A Florence, quatre amis quadragénaires, un journaliste, un architecte, le patron d’un bar et un noble ruiné, bientôt rejoints par un chirurgien, semblent refuser de vieillir et, pour lutter contre l’ennui, se comportent en potaches, organisant ce qu’ils appellent des “virées tziganes” au cours desquelles ils jouent des tours pendables à de malheureuses victimes, pour le plus grand plaisir du spectateur (et certaines scènes restent dans la mémoire des cinéphiles). Comme les personnages qu’ils interprètent, les acteurs (formidable distribution franco-italienne) s’en donnent à cœur joie, sans tomber dans le cabotinage que ce genre de film pourrait faire craindre. Mario Monicelli, l’un des maîtres de la comédie italienne, excelle à mettre en scène des personnages hauts en couleur ou des naïfs et à créer des situations inattendues mais dans ce film, au-delà de l’humour débridé, de la satire du mariage et de la religion, se manifeste une émotion profonde liée aux thèmes du vieillissement refusé et de l’angoisse devant la mort. Les gags sont là, efficaces le plus souvent, mais rarement comédie italienne aura été aussi empreinte de pessimisme.

De ce fleuron de la comédie italienne des années 1970, on se rappelait, surtout, le gag des baffes : les passagers d'un train se penchant à la fenêtre au moment du départ, giflés par nos héros restés sur le quai... On avait oublié que Mes chers amis était aussi drôle que désespéré - la marque de fabrique de Pietro Germi, l'auteur du scénario qui, trop malade, demanda à Mario Monicelli de le remplacer derrière la caméra. Les cinq amis multiplient les blagues scabreuses (scène d'anthologie à l'hôpital) ou sophistiquées (le pseudo-trafic de drogue, avec Bernard Blier en dindon de la farce) pour masquer leur mal-être d'aristo ruiné (Ugo Tognazzi, génial), d'architecte inapte à l'amour (Gastone Moschin) ou de journaliste méprisé par son fils (Philippe Noiret). Tous veulent oublier que la vie est une saloperie ennuyeuse et retenir, encore un instant, une jeunesse qui fout le camp. Difficile de résister à cet humour grinçant, cruel, y compris lors de l'enterrement final. Même si les larmes ne sont jamais loin...

6 euros